L’analyse approfondie du secteur bancaire camerounais au terme du premier semestre 2024, menée par NGONGANG T. Danny Dior sur la base des données CERBER de la BEAC et du CNEF, révèle une transformation significative du paysage financier national. Cette étude met en lumière des évolutions majeures tant dans la répartition géographique que dans la dynamique concurrentielle du marché.
Le secteur bancaire camerounais reste profondément ancré autour des deux principales métropoles du pays. Douala, capitale économique, renforce sa position dominante en concentrant désormais près de soixante pour cent des crédits et cinquante pour cent des dépôts nationaux. Cette prépondérance s’est même accentuée au cours du semestre, avec une progression notable de sa part de marché dans les crédits, passant de 57,46% à 58,56%.
L’émergence de nouveaux pôles régionaux constitue l’une des évolutions les plus remarquables de cette période. La ville portuaire de Kribi s’impose progressivement comme le troisième centre bancaire du pays, illustrant une amorce de décentralisation de l’activité financière. Cette dynamique, bien que encore modeste, témoigne d’une diversification géographique progressive du marché bancaire camerounais.
Les mouvements stratégiques observés durant ce premier semestre 2024 ont redessiné les contours du paysage concurrentiel. Afriland First Bank consolide sa position de leader incontesté, franchissant le seuil symbolique des mille milliards de francs CFA tant en dépôts qu’en crédits. La progression spectaculaire de la Banque Atlantique Cameroun, qui accède désormais au trio de tête du marché des crédits, bouleverse la hiérarchie traditionnelle du secteur.
Le dynamisme des nouveaux entrants apporte un souffle nouveau au marché. Les performances remarquables de BANGE Bank, qui enregistre une croissance de 73,28% de ses crédits, et d’Access Bank, avec une progression de 26,43%, illustrent la vitalité des acteurs émergents. Cette effervescence stimule l’innovation et contraint les institutions établies à repenser leurs stratégies commerciales.
L’avenir du secteur bancaire camerounais soulève plusieurs interrogations stratégiques. L’arrivée prochaine d’AGB sur le marché pourrait modifier les équilibres existants. Le désengagement annoncé de SGC suscite des questions quant à la reconfiguration potentielle du marché. Le succès de la stratégie de croissance de BAC intrigue les observateurs, tandis que la corrélation entre l’étendue du réseau d’agences et la performance commerciale demeure un sujet de réflexion majeur.
Le marché bancaire camerounais traverse actuellement une phase de transformation profonde, marquée par un paradoxe apparent. D’un côté, la concentration des activités autour des deux métropoles principales persiste, voire s’accentue. De l’autre, l’émergence de dynamiques régionales prometteuses laisse entrevoir une possible diversification géographique future. L’intensification de la concurrence, particulièrement visible dans le segment des dépôts, laisse présager une évolution continue du paysage bancaire national.
Cette configuration singulière du marché offre des opportunités de développement aux établissements bancaires, tout en les confrontant à des défis stratégiques majeurs. La capacité des acteurs à adapter leurs modèles d’affaires aux spécificités régionales tout en maintenant leur compétitivité dans les zones métropolitaines constituera un facteur clé de succès dans les années à venir.
Mérimé Wilson