Entre ambitions et défis, les Indomptables tracent leurs sillons

Le Cameroun est une plaque tournante logistique en Afrique Centrale via ses côtes maritimes soutenues par le dynamisme de l’entreprenariat local . Les transporteurs camerounais inondent en biens et services l’ensemble de la sous-région jusqu’en Centrafrique en passant par le Tchad et le Gabon. Les entrepreneurs camerounais sont littéralement portés par leurs audaces et leurs résiliences malgré les carences infrastructurelles et administratives.
Une logistique à la portée du Cameroun
Selon l’Union africaine, le commerce intra-africain ne représente que 15 % des échanges totaux, contre 60 % en Asie et 70 % en Europe. Sans routes modernes, ports efficaces et vision partagée, nos richesses restent sous-exploitées.
Prenons l’exemple des transporteurs du corridor Douala–N’Djamena : sur des axes souvent précaires, ils continuent d’acheminer bois, manioc et produits artisanaux. Leur savoir-faire, ancré dans la pratique, résiste aux défis, comme l’a montré le professeur Mvondo. Mais ce savoir est fragile : des firmes étrangères l’étudient, le brevettent, tandis que nous tardons à le structurer. Cette expertise est notre capital, mais sans protection ni organisation, elle nous échappe.
Nos corridors sont un réseau en gestation, une mosaïque de marchés interconnectés, comme le prouvent les foires de Douala, Yaoundé et N’Djamena. Élodie Ndzie, logisticienne et fondatrice de l’Association des Corridors de Douala, milite pour des infrastructures adaptées, même avec des ressources limitées.
Chaque communauté doit devenir une coopérative, unissant producteurs, transporteurs et commerçants pour des échanges fluides. La Banque mondiale rappelle que les exportations intra-africaines ont atteint 100 milliards de dollars en 2023, mais elles souffrent d’un manque de coordination. Nous devons nous programmer vers l’excellence pour transformer nos faiblesses en atouts.
Une Afrique ambitieuse
Actuellement, ce sont des accords commerciaux biaisés, des prêts conditionnés, qui asphyxient nos marchés.
Le Cameroun exporte bois, cacao et coton, mais en importe des produits manufacturés de faible qualité qui concurrencent nos artisans et nos PME. Résultat, nous vendons brut et nous rachetons transformés, perdant la valeur ajoutée au profit d’autres.
Selon la Commission économique pour l’Afrique, 70 % des biens consommés proviennent de l’extérieur. Ce déséquilibre structurel est le stigmate d’une dépendance qui nous fragilise face aux crises mondiales.
L’autonomie comme bouclier
Être souverain, c’est développer une production locale en phase avec les besoins et le pouvoir d’achat des populations.
L’expérience chinoise l’a démontré et l’Afrique pourrait s’en inspirer. En 1949, la Chine ne comptait que 22 000 kms de lignes ferroviaires, mal entretenues et sans électrification. Aujourd’hui, elle dispose de 162 000 km de réseau, dont un tiers de lignes électrifiées . Son objectif est de l’étendre à 60 000 km à l’horizon 2030. À cela s’ajoutent 5,4 millions de kms de réseaux routiers qui connectent les villages aux métropoles, permettant d’alimenter en quelques heures l’ensemble du territoire en biens et services .
Vers une Afrique souveraine et rayonnante
Sans coordination ni vision, pas de prospérité. La créativité africaine est notre moteur, mais elle doit être canalisée, organisée . Selon l’Organisation Internationale du Travail, 9 emplois sur 10 ne sont pas déclarés. Ce réservoir, vital mais instable, doit être structuré pour intégrer une logistique 2.0, durable et performante.
Chaque village doit devenir l’épicentre d’un écosystème interdépendant. Les transporteurs, ralliant Douala à N’Djamena, par leur agilité, montrent la voie. Une logistique optimisée relevant les défis avec ingéniosité.
L’avenir de l’Afrique est entre nos mains. En valorisant nos savoirs — comme ceux recensés par Élodie Ndzie — et en investissant dans les infrastructures énergétiques implantées dans les territoires.
À Paris, le Lundi 1er Septembre
Patrice Nziansè POGNON
Auteur des « Petits Manuels Africains de Guerre Économique –
Tome 2&3 : Comprendre la Chine en Afrique »
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