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Vincent Nkong-Njock, l’ingénieur atomiste qui veut réécrire l’avenir énergétique du Cameroun et de l’Afrique

Ancien haut fonctionnaire de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et prix Nobel de la Paix 2005 au sein de cette institution, Vincent Nkong-Njock appartient à ce cercle restreint de Camerounais dont le parcours dépasse les frontières nationales. Ingénieur atomiste, docteur-ingénieur en génie nucléaire, il a passé plus de deux décennies à concevoir, simuler et accompagner des programmes électronucléaires pour des pays comme la France, la Chine, l’Iran ou le Nigeria, avant de choisir de mettre son expertise au service du continent africain.

Né en 1963 au Cameroun, formé localement avant de rejoindre l’Institut polytechnique de Grenoble puis l’Institut national des sciences et techniques nucléaires (INSTN) en France, Vincent Nkong-Njock fait ses armes au Commissariat à l’énergie atomique (CEA). Il y développe notamment des simulateurs de réacteurs pour EDF, une école d’excellence qui façonne sa culture de la rigueur, de la sûreté et de l’ingénierie de très haut niveau. Recruté ensuite par l’AIEA à Vienne, il y gravit les échelons jusqu’aux fonctions de haut cadre en charge de programmes électronucléaires, au cœur des débats mondiaux sur l’énergie, la sécurité et la non-prolifération.

En 2014, alors que sa carrière internationale est au sommet, l’ingénieur camerounais prend un virage décisif : il quitte l’AIEA pour se consacrer à l’Afrique. Constatant le paradoxe d’un continent riche en ressources mais prisonnier de coupures d’électricité chroniques, il fonde iLEMEL SA, un groupe énergétique basé au Sénégal et au Cameroun, spécialisé dans les solutions solaires, les mini-réseaux et les projets structurants pour l’accès à l’énergie. Objectif : proposer des réponses concrètes, techniquement solides et économiquement viables au déficit énergétique africain, en misant sur un mix intelligent où le solaire, l’hydroélectricité, le gaz… et demain le nucléaire civil, trouvent chacun leur place.

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Au fil des années, Vincent Nkong-Njock s’impose comme une voix structurée sur l’avenir énergétique du continent. Dans les médias et les conférences, il plaide pour une planification de long terme, la mise à niveau des compétences locales et l’appropriation technologique par les États africains. Pour lui, l’énergie n’est pas qu’un sujet technique : c’est un levier de souveraineté, d’industrialisation et de transformation sociale. Il alerte sur les risques d’une tarification électrique mal pensée ( « bombe à retardement » pour les finances publiques ) et invite le Cameroun à transformer des décisions comme la renationalisation d’ENEO en opportunité pour réinventer le secteur.

Visionnaire de l’atome, il demeure convaincu que l’Afrique ne doit pas s’auto-exclure du nucléaire civil, à condition d’en respecter les exigences extrêmes en matière de sûreté, de gouvernance et de compétence. À ses yeux, un pays qui maîtrise l’électro-nucléaire élève de facto tout son écosystème scientifique, industriel et universitaire. Il défend ainsi l’idée d’un « nucléaire africain » inscrit dans un mix bas carbone, complémentaire des énergies renouvelables, au service d’un développement inclusif et durable.

Au-delà de la technique, Vincent Nkong-Njock est aussi un penseur du développement. Co-auteur de l’ouvrage La construction d’État développementaliste communautaire : le cas du Cameroun, il propose un modèle inspiré des expériences d’Asie de l’Est : un État stratège, recentré sur des priorités claires, capable de simplifier les procédures, d’assainir la dépense publique et de mettre l’administration au service de la création de valeur. Son plaidoyer : reconnecter la gouvernance aux aspirations des populations, mailler le territoire à partir des communautés locales, et faire émerger un capitalisme productif porté par les PME, à l’image de l’Allemagne où l’industrie repose majoritairement sur le Mittelstand.

Dans le paysage camerounais, la trajectoire de Vincent Nkong-Njock résonne comme une interpellation : pourquoi l’expertise de ce « cerveau camerounais » est-elle parfois plus demandée en Afrique de l’Ouest qu’au Cameroun lui-même ? L’intéressé ne cache pas sa frustration devant la lenteur des réformes et la difficulté à faire émerger de grands projets structurants dans son pays d’origine. Mais loin du renoncement, il continue de multiplier interventions, publications et initiatives pour contribuer au débat public et inspirer une nouvelle génération d’ingénieurs, de décideurs et d’entrepreneurs.

Entre laboratoire nucléaire et villages africains plongés dans le noir, Vincent Nkong-Njock aura finalement choisi son camp : celui d’une Afrique qui assume son droit à l’énergie, à la technologie et à la prospérité. Pour le Cameroun, son parcours incarne une équation exigeante mais féconde : conjuguer excellence scientifique, vision stratégique et engagement patriotique, afin de transformer le potentiel énergétique en véritable moteur de développement.

Mérimé Wilson

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