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Budget 2025 du Cameroun : Entre illusions budgétaires et réalités économiques implacables

Le budget 2025 du Cameroun, récemment dévoilé, se présente comme une feuille de route ambitieuse pour le développement socio-économique du pays. Affichant une enveloppe totale de 7 317,7 milliards de FCFA, en légère augmentation de 0,5 % par rapport à l’année précédente, ce budget est qualifié de « budget d’impulsion » par les autorités. Cependant, au-delà des chiffres et des déclarations officielles, une analyse approfondie révèle des zones d’ombre et des choix stratégiques qui méritent une attention critique.

1. Une croissance économique projetée optimiste face à des réalités contraignantes

Le gouvernement projette une croissance de 4,1 % en 2025, légèrement supérieure aux 3,8 % anticipés pour 2024. Cette prévision repose sur l’hypothèse d’un dynamisme accru du secteur non pétrolier. Cependant, l’économie camerounaise demeure fortement dépendante des exportations de matières premières, la rendant vulnérable aux fluctuations des marchés internationaux. De plus, les réformes structurelles nécessaires pour diversifier l’économie et renforcer le secteur privé tardent à se concrétiser, ce qui pourrait compromettre l’atteinte de ces objectifs de croissance.

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2. Une inflation persistante qui menace le pouvoir d’achat

L’inflation est prévue en baisse à 4 % en 2025, après avoir atteint 4,6 % en 2024. Malgré cette diminution, le taux d’inflation reste au-dessus du seuil de convergence de la Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC), fixé à 3 %. Cette situation pourrait continuer à éroder le pouvoir d’achat des ménages et affecter la compétitivité des entreprises locales. Les mesures envisagées pour contenir cette inflation ne sont pas clairement détaillées dans le budget, laissant planer des doutes sur leur efficacité réelle.

3. Un Budget d’Investissement Public en hausse, mais des interrogations sur l’efficacité

Le Budget d’Investissement Public (BIP) est porté à 1 863,1 milliards de FCFA, représentant 33,5 % des dépenses budgétaires totales, soit une augmentation de 16,1 % par rapport à 2024. Si l’augmentation des investissements publics est en soi une initiative louable, la question de l’efficacité et de la rentabilité de ces dépenses se pose avec acuité. Par le passé, plusieurs projets d’infrastructures ont été marqués par des retards, des surcoûts et une mauvaise gestion, limitant leur impact sur le développement économique. Sans une amélioration significative de la gouvernance et de la transparence dans la gestion des projets publics, cette augmentation budgétaire pourrait ne pas produire les effets escomptés.

4. Une réduction du déficit budgétaire potentiellement au détriment des secteurs sociaux

Le gouvernement ambitionne de réduire le déficit budgétaire à 0,3 % du PIB en 2025, contre 0,4 % en 2024. Cette rigueur budgétaire, bien que visant à assurer la stabilité macroéconomique, pourrait se traduire par des coupes dans des secteurs essentiels tels que la santé, l’éducation ou la protection sociale. Une telle approche risque d’aggraver les inégalités sociales et de freiner le développement humain, compromettant ainsi les objectifs de croissance à long terme.

5. Des recettes pétrolières en baisse, signe d’une diversification économique insuffisante

Les recettes pétrolières sont estimées à 734,8 milliards de FCFA, en diminution de 66,8 milliards par rapport à 2024, principalement en raison de la baisse des prix mondiaux du pétrole et de la parité dollar/FCFA. Cette dépendance aux hydrocarbures souligne l’urgence d’une diversification économique. Or, les mesures concrètes pour stimuler d’autres secteurs semblent timides ou inefficaces, mettant en péril la stabilité financière du pays face aux aléas du marché pétrolier.

6. Un endettement public croissant, source de préoccupations pour la soutenabilité de la dette

Le besoin d’endettement de l’État pour le triennat 2025-2027 est estimé à 5 407 milliards de FCFA, dont 1 822 milliards pour l’année 2025, soit 5 % du PIB. Bien que le ratio dette/PIB soit projeté à 43,8 % à fin 2024, en deçà du seuil de 50 % recommandé par la CEMAC, le service de la dette, estimé à environ 2 300 milliards de FCFA par an, représente près de 29,5 % des recettes budgétaires annuelles. Cette lourde charge limite les marges de manœuvre budgétaires et pourrait compromettre les investissements futurs nécessaires au développement du pays.

Le budget 2025 du Cameroun affiche des ambitions louables en matière de développement socio-économique. Cependant, sa mise en œuvre efficace nécessite des réformes structurelles profondes, une gestion rigoureuse des finances publiques et une véritable diversification de l’économie pour assurer une croissance durable et inclusive. Sans ces ajustements, les objectifs affichés pourraient rester hors de portée, et les défis économiques et sociaux du pays pourraient s’accentuer.

Mérimé Wilson

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