Interview

Interview du Dr Fatimatou KOUOTOU POUMIE, directrice exécutive de la Fondation Nguon

Dans un monde en constante évolution, la préservation du patrimoine culturel immatériel revêt une importance capitale. Le Cameroun, riche de sa diversité culturelle, vient de franchir une étape historique avec l’inscription du Nguon sur la Liste Représentative du Patrimoine Culturel Immatériel de l’Humanité de l’UNESCO. Cette reconnaissance internationale marque un tournant pour cette célébration ancestrale du peuple Bamoun, symbole d’unité et de renouveau.

À l’aube de la 548e édition du Nguon, prévue du 29 novembre au 8 décembre 2024, nous avons le privilège de nous entretenir avec le Dr Fatimatou Kouotou Poumie, Directrice Exécutive de la Fondation Nguon. Dans cette interview exclusive, elle nous dévoile les coulisses de cet événement majeur, les défis de sa préservation à l’ère moderne, et les perspectives qu’ouvre cette reconnaissance mondiale pour la culture camerounaise.

Plongez avec nous dans les préparatifs de cette célébration millénaire, à la découverte des enjeux qui animent la communauté Bamoun et l’ensemble du Cameroun. Entre tradition et modernité, le Nguon s’affirme comme un pont entre les générations et un vecteur de développement durable. Découvrez comment cet héritage ancestral s’adapte aux exigences du 21e siècle tout en préservant son essence profonde.

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  Madame la Directrice Exécutive, la dernière actualité autour du Nguon est la présentation des infrastructures culturelles financées par le Ministère des Arts et de la Culture et le Conseil Régional de l’Ouest. Quelle appréciation faites-vous de ce soutien des pouvoirs publics ?

Nous voulons vous remercier pour l’opportunité qui nous est offerte de partager avec votre public ces grandes nouvelles sur l’accompagnement du NGUON par les institutions de l’État, au lendemain de l’inscription de ce premier élément culturel du Cameroun sur la Liste Représentative du Patrimoine Culturel Immatériel de l’Humanité, auprès de l’UNESCO. Nous tenons à exprimer notre profonde gratitude à Son Excellence Monsieur Paul Biya, Président de la République, pour son soutien inestimable en faveur de la préservation et de la valorisation de notre riche patrimoine culturel. Grâce à une subvention d’investissement du Ministère des Arts et de la Culture et à un appui institutionnel du Conseil Régional de l’Ouest, un investissement de 220 millions de francs CFA est en cours de réalisation pour doter le Nguon d’infrastructures culturelles de qualité. Ces travaux s’inscrivent en préparation de la 548e édition du Nguon dont les rituels et festivités se tiendront du 29 novembre au 08 décembre 2024.

Ces appuis et financements participent à la matérialisation des promesses de l’État du Cameroun dans le cadre des mesures de sauvegarde du NGUON déclarées auprès de l’UNESCO. Ils sont déterminants pour honorer les engagements souscrits auprès de cet auguste organisme.

  Comment se présente le nouveau cadre organisationnel du Nguon, au lendemain de son inscription sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité ?

Le nouvel organigramme du NGUON se compose de trois entités aux missions complémentaires : l’Assemblée Générale, le Comité Traditionnel et Communautaire du NGUON (CTC – NGUON), et la Fondation NGUON. L’Assemblée Générale est l’instance supérieure du NGUON, regroupant les principaux membres des corps traditionnels, des détenteurs et praticiens du NGUON. Elle s’est réunie le 25 janvier dernier pour adopter le programme des rituels et festivités du NGUON 2024. La Fondation Nguon, dont le Président du Conseil d’Administration est Sa Majesté Mouhammad-Nabil MFORIFOUM MBOMBO NJOYA, Sultan-Roi des Bamoun, a pour objectifs d’assurer une liaison structurée avec l’UNESCO, le MINAC et d’autres institutions nationales et internationales ; de doter le NGUON d’un organe adapté pour se conformer à la législation régissant les associations culturelles, s’aligner sur les opportunités de partenariats et de financements socioculturels et économiques aux niveaux national et international, ainsi qu’aux initiatives de développement et, faciliter la constitution, l’administration et la pérennisation de son patrimoine.

  À moins de trois mois de l’événement, où en êtes-vous avec l’organisation des activités relevant des expressions associées du NGUON ?

Le NGUON 2024 est considéré et préparé comme une édition spéciale pour plusieurs raisons. Il s’agit de la première célébration depuis l’inscription de cet élément culturel sur la Liste Représentative du Patrimoine Culturel Immatériel de l’Humanité (LRPCIH), la première sous le règne du 20ème Roi des Bamoun, et une renaissance après deux éditions manquées de ce cycle biennal : en 2020, en raison des restrictions liées à la crise sanitaire de la COVID-19, et en 2022, suite au retour aux ancêtres du 19ème Roi des Bamoun. Sous le thème « NGUON 2024 : Patrimoine culturel immatériel de l’humanité pour le rayonnement de la culture et le développement durable », les préparatifs progressent conformément au calendrier établi. Nous sommes sur la bonne voie pour l’organisation des activités socioculturelles, économiques et scientifiques, en renforçant la liaison institutionnelle et en mobilisant les partenaires. La phase de planification des activités et des contacts préliminaires est achevée, cédant place à la préparation matérielle et logistique qui est en cours. Cette édition se veut un modèle de collaboration entre les secteurs public, privé, et la société civile, visant à renforcer l’impact durable du Nguon au sein de la communauté.

  Quelles sont vos attentes, notamment vis-à-vis de la communauté et de la diaspora ?

Le Nguon est un trésor qui nous rassemble, et c’est dans l’unité et la paix que nous devons célébrer et construire un meilleur avenir pour nos enfants. Le Mouhammad-Nabil NFORIFUM MBOMBO NJOYA, Roi des Bamoun, premier chef rituel et temporel du Nguon œuvre constamment pour la cohésion sociale et la paix. Dans son message de convocation du NGUON 2024 à la cour traditionnelle d’apparat de Foumban le 10 décembre 2023, il a réitéré son appel permanent à la fraternité et à l’unité. Notre culture est un pont entre les peuples, et le Nguon en est le symbole le plus éclatant. Il est un appel à l’unité au-delà de nos différences. Le Roi a appelé chaque membre de la communauté Bamoun, localement et dans la diaspora, à jouer un rôle actif dans cette célébration. Il est donc essentiel que chacun, où qu’il se trouve, contribue à sa manière au succès de cet événement et s’investisse dans la préservation et l’exaltation de notre riche patrimoine culturel. Nous espérons un élan de solidarité et une mobilisation sans précédent, qu’il s’agisse de participation physique, de contributions plurielles, de mécénat ou d’initiatives de promotion. Le Nguon n’est pas seulement une fête, mais un carrefour d’opportunités pour tous les secteurs d’activité. Nous comptons sur l’engagement de tous pour créer de la valeur ajoutée durant ces jours de célébration, afin de laisser un héritage durable du Nguon 2024 à transmettre aux générations futures.

  Certaines activités du Nguon avaient été projetées dans plusieurs arrondissements du Noun. Quelles en étaient le contenu et l’objectif ?

Vous savez, les activités du Nguon se sont toujours déroulées à travers plusieurs arrondissements et dans toutes les localités dans lesquelles la communauté Bamoun est présente, que ce soit dans le Noun, au Cameroun ou au sein de la diaspora. C’est pourquoi le Nguon dispose de plus d’une centaine de comités locaux d’organisation. Les rituels de cette célébration ont un ancrage et une profondeur territoriale. Il est crucial de ne pas se laisser emporter par des rumeurs et malentendus. Nous devons plutôt nous concentrer sur ce qui nous unit et sur les valeurs que nous partageons.

En ce qui concerne les activités préliminaires du NGUON 2024, la Fondation NGUON, sous l’autorité du Sultan-Roi des Bamoun, a lancé au mois de mai dernier le programme des « Préludes culturels ». Ce programme inclut des présélections et castings pour les concours et jeux patrimoniaux dans cinq disciplines, avec 30 compétitions et 1 177 candidats enregistrés à travers le Département du Noun. Ces initiatives visaient en priorité la jeunesse, dans une perspective de « transmission », tout en favorisant l’ouverture aux autres communautés pour un dialogue interculturel, conformément aux engagements pris dans le Plan de Sauvegarde du NGUON déclaré à l’UNESCO. L’histoire entre les Bamoun et toutes les communautés vivant dans le Noun est marquée par des échanges, des alliances et une coexistence pacifique. C’est cette histoire que nous devons honorer aujourd’hui. Notre passé est tissé de liens forts et indéfectibles entre nos communautés. Il est de notre devoir de préserver ces liens et de les renforcer pour les générations futures.

  Peut-on penser que des inquiétudes planent sur la tenue de la 548e édition du Nguon sous le label de l’UNESCO ?

Le Nguon sous le label UNESCO est une immense fierté pour nous tous et pour le Cameroun, qui ne saurait être mis en péril par tout acteur de bonne foi. Il impose des normes élevées que nous nous efforçons de respecter scrupuleusement. Le monde nous observe, et chacun sera responsable de ses actions, d’autant plus que ce projet bénéficie du soutien direct du Président de la République, Son Excellence Paul Biya. En ces moments, il est essentiel de nous rappeler que ce qui nous unit, dans la culture, est bien plus fort que ce qui pourrait nous diviser.

Organiser un événement de cette envergure comporte sans aucun doute des défis et, pour les relever, nous travaillons en étroite collaboration avec toutes les parties prenantes, partenaires institutionnels nationaux ou internationaux, sous l’autorité de l’État. Nous saluons une fois de plus, le soutien des pouvoirs publics, visible à travers des projets concrets comme les infrastructures culturelles, ainsi que des initiatives moins tangibles, mais tout aussi cruciales, telles que la promotion et la valorisation, la sécurité, la santé, l’artisanat et le volontariat. Nous sommes en parfaite entente avec le Ministère des Arts et de la Culture qui accompagne inlassablement le NGUON en nous rappelant constamment les Directives opérationnelles de la Convention de 2003 pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel et les dispositions de la Loi N°2013/003 du 18 avril 2013 régissant le patrimoine culturel au Cameroun. L’implication du Conseil Régional de l’Ouest et de certaines communes du Noun s’inscrit dans l’optique de la pleine contribution des CTD à l’accompagnement de l’État pour la mise en œuvre des mesures de sauvegarde du NGUON déclarées auprès de l’UNESCO. Nous encourageons les autres acteurs à suivre la même voie et à se mobiliser de manière constructive et utile. Nous restons vigilants et continuons de collaborer étroitement avec les autorités compétentes, les forces de sécurité et d’autres partenaires pour assurer le bon déroulement de l’événement.

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