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La Journée internationale de la femme au Cameroun en 2025 : Le potentiel économique des femmes camerounaises sous les projecteurs

Chaque 8 mars, le Cameroun célèbre la Journée internationale de la femme (JIF), une occasion de mettre en lumière les avancées et les défis liés à l’égalité des genres. En 2025, cette célébration, qui a mobilisé environ 30 000 femmes dans les rues de Yaoundé en 2024 selon le ministère de la Promotion de la femme et de la Famille, prend une tournure particulièrement économique. Dans un pays où les femmes représentent plus de 50 % de la population (selon les estimations de l’Institut national de la statistique), leur potentiel économique reste une clé sous-exploitée pour la croissance inclusive. Cet article analyse ce potentiel à travers les données récentes, les obstacles persistants et les opportunités à saisir.

Les femmes, piliers de l’économie informelle

Les femmes camerounaises jouent un rôle central dans l’économie, notamment dans le secteur informel, qui représente environ 90 % de l’emploi total au Cameroun (selon la Banque mondiale). Une étude récente relayée sur les réseaux sociaux en mars 2025 indique que 60 % des entreprises informelles sont dirigées par des femmes. Ces activités, allant du commerce de détail (les fameuses « buyam-sellam ») à la transformation agroalimentaire, soutiennent des millions de foyers. Pourtant, ce dynamisme économique est rarement reconnu à sa juste valeur. Les femmes dans ce secteur opèrent souvent sans accès adéquat au crédit formel, avec moins de 2 % des femmes possédant un titre de propriété selon les données de l’OCHA en 2019, une situation qui n’a que marginalement évolué.

En 2024, la Haute Commission britannique au Cameroun a lancé un programme visant à renforcer les capacités des entrepreneuses, preuve de l’intérêt croissant pour ce potentiel. Cependant, les barrières structurelles, comme l’accès limité à la formation et aux financements (seulement 25 % des femmes urbaines sont employées dans le secteur formel selon la Banque mondiale), freinent leur transition vers des activités plus structurées et lucratives.

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Un potentiel économique freiné par les inégalités

Malgré leur contribution, les femmes camerounaises restent désavantagées. Le Gender Inequality Index (GII) du Cameroun, bien qu’amélioré ces dernières années (0,560 en 2019 selon le PNUD), demeure au-dessus de la moyenne de l’Afrique subsaharienne. Environ 51,5 % des femmes vivent sous le seuil de pauvreté, contre 39 % pour l’ensemble de la population (OCHA, 2019), et 79,2 % d’entre elles sont sous-employées. Ces chiffres traduisent une réalité où les femmes, bien que surreprésentées dans l’agriculture informelle (75 % des travailleurs selon CIFOR-ICRAF), manquent de contrôle sur les ressources clés comme la terre ou le capital.

Le Fonds monétaire international (FMI) estimait en 2018 que réduire l’écart de genre pourrait augmenter le PIB par habitant de 0,25 point si le GII rejoignait la moyenne subsaharienne, et de plus d’un point en s’alignant sur les économies émergentes asiatiques. En 2025, cette projection reste pertinente : investir dans les femmes pourrait générer une croissance significative, notamment dans un contexte de reprise post-crise (COVID-19, conflits régionaux).

La JIF 2025 : Une opportunité pour accélérer le progrès

La JIF 2025, avec son slogan probable « Investir dans les femmes, accélérer le progrès » (reconduit de 2024), met l’accent sur l’autonomisation économique. Les marches du 8 mars à Yaoundé et ailleurs ont vu les femmes revendiquer un accès accru à l’éducation et aux opportunités économiques, comme en témoigne la mobilisation de 2024 relayée par Voice of America. Le gouvernement, sous la présidence de Paul Biya, montre des signes de volonté politique : nomination de femmes à des postes de direction et adoption de la Politique nationale genre en 2015. Pourtant, ces avancées restent symboliques face aux besoins structurels.

Des initiatives comme le projet de 15 milliards de FCFA pour la filière riz dans l’Ouest et le Nord-Ouest, adopté en janvier 2025, pourraient bénéficier aux femmes, qui dominent la production agricole locale. De même, le financement du quai 17 du port de Douala (60 milliards de FCFA) ouvre des perspectives pour les entrepreneuses impliquées dans le commerce transfrontalier, un secteur où elles excellent malgré des tarifs douaniers élevés (18 % en moyenne, selon l’Atlantic Council).

Défis et perspectives

Le potentiel économique des femmes camerounaises est indéniable, mais sa pleine réalisation exige de surmonter plusieurs défis. L’éducation reste une priorité : le taux de « pauvreté d’apprentissage » atteint 71,9 % chez les enfants de 10 ans (Banque mondiale), avec un désavantage marqué pour les filles. L’accès au financement doit aussi être simplifié, car les microcrédits actuels ne suffisent pas à couvrir les ambitions entrepreneuriales. Enfin, les stéréotypes culturels, dénoncés par des activistes comme Muma Bih Yvonne lors de la JIF 2024, continuent de reléguer les femmes à des rôles secondaires.

Pour 2025, le Cameroun pourrait s’inspirer de modèles comme le programme britannique de formation ou encore intensifier les partenariats public-privé pour soutenir les femmes entrepreneuses. Une réforme des lois foncières pour garantir un meilleur accès à la propriété serait également transformative.

En ce mois de la femme 2025, le Cameroun se trouve à un carrefour. Les femmes, par leur résilience et leur dynamisme, incarnent un moteur économique essentiel. Les données le confirment : leur autonomisation n’est pas seulement une question d’équité, mais une stratégie de développement incontournable. Investir dans leur potentiel, c’est accélérer la marche vers l’émergence promise par la Vision 2035. La balle est dans le camp des décideurs pour traduire les slogans en actions concrètes.

Nathalie St Pierre

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